mar. 3 sept. 2024
En ces temps de conflits géopolitiques et de tensions commerciales, on pourrait facilement oublier que de nouveaux accords commerciaux sont encore en cours de négociation. L’accord de coopération tant attendu et laborieusement négocié entre l’UE et les pays du Mercosur (Brésil, Argentine, Uruguay, Paraguay et Bolivie) en est un exemple : des étapes importantes ont été franchies récemment. Les négociations sur l’accord ont été lancées en 2020. En principe, le volet commercial (au total, il y a trois volets : le volet commercial, le dialogue politique et un volet de coopération) de l’accord UE-Mercosur a déjà été approuvé en 2019, mais certains points de désaccord ont fait que l’approbation finale n’a pas encore eu lieu. Aujourd’hui, cinq ans plus tard, il semble que l’accord commercial pourrait enfin être approuvé définitivement. Cependant, même aujourd’hui, d’importants points de désaccord et de tension subsistent. Néanmoins, les parties concernées pensent pouvoir approuver définitivement l’accord d’ici la fin de l’année 2024. Les réunions physiques prévues entre les négociateurs des deux blocs, du 4 au 6 septembre, sont un signe positif que les négociateurs se rapprochent de la finalisation de l’accord.
Les points de désaccord rendent les négociations difficiles
Les négociations sur l’accord commercial entre l’UE et les pays du Mercosur traînent depuis plus de deux décennies et ont été interrompues à plusieurs reprises au cours de cette période. En juin 2019, l’UE et les pays du Mercosur (excluant alors la Bolivie, qui n’a rejoint le Mercosur qu’en 2023) sont parvenus à un accord de principe qui n’a pas été approuvé définitivement à ce jour en raison de plusieurs points de désaccord, notamment la crainte du dumping par les entreprises européennes, les sensibilités liées à la protection des noms de produits et les désaccords sur les visions de la durabilité. Au début de l’année, la France, dont le vote d’Ursula von der Leyen était nécessaire pour être réélue à la présidence de la Commission européenne, exerçait encore des pressions pour bloquer l’accord. Le président Macron a notamment invoqué les dommages potentiels que l’accord causerait à l’environnement, un point de vue partagé par la coalition des Verts au Parlement européen, et la concurrence déloyale à laquelle les agriculteurs de l’UE seraient confrontés. Les manifestations des agriculteurs au début de l’année, où le Mercosur n’était qu’un des nombreux griefs, montrent que le président français n’est pas le seul à s’inquiéter des importations de produits agricoles bon marché et moins réglementés en provenance d’Amérique du Sud.
Certaines sensibilités subsistent également du côté du Mercosur, notamment les mesures environnementales prévues par l’accord. Certaines parties les considèrent comme du protectionnisme déguisé. Le règlement européen sur la déforestation, qui entrera en vigueur l’année prochaine et qui n’est pas lié à l’accord, ajoute l’insulte à la blessure. Ce règlement exige que les produits, notamment le bétail, le cacao, le café, le bois et l’huile de palme, mis sur le marché de l’UE ou exportés depuis l’UE ne proviennent pas de terres déboisées ou dégradées après le 31 décembre 2020. De nombreux pays, dont le Brésil, ont déjà indiqué que la mise en œuvre pratique des nouvelles réglementations était irréalisable et pourrait annuler les avantages de l’accord commercial pour ceux qui le mettent en œuvre.
(Préliminaire) le contenu de l’accord
L’accord UE-Mercosur vise à stimuler le commerce et l’investissement bilatéraux, notamment en abaissant les obstacles tarifaires et non tarifaires au commerce. Outre les dispositions générales, les concessions spécifiques prévues dans l’accord de principe de 2019 par les pays du Mercosur comprennent l’élimination des droits de douane sur le vin, le chocolat et plusieurs autres produits agroalimentaires, ainsi que la mise en place d’un contingent tarifaire pour le fromage. Les intérêts des exportateurs agricoles européens sont également soutenus par la reconnaissance de quelque 350 appellations d’origine géographique, comme pour le parmesan. En outre, les pays du Mercosur promettent d’éliminer les droits de douane sur 91 % des marchandises importées de l’UE. Cette mesure aura un impact significatif sur les produits industriels soumis à des droits de douane élevés, tels que les voitures et les pièces automobiles (droits de douane de 35 % et de 14 à 18 %), les machines (14 à 20 %), les vêtements (35 %) et les produits chimiques (jusqu’à 18 %).
En contrepartie, l’UE promet de libéraliser tout ou partie des importations de produits du Mercosur tels que le jus d’orange, le café instantané et les fruits, et d’augmenter les contingents tarifaires pour le bœuf, la volaille, le porc, le sucre, l’éthanol et d’autres produits. Les importations de produits agricoles sensibles en provenance du Mercosur resteront donc soumises à des limitations.
Des implications économiques, mais pas seulement
Plusieurs raisons expliquent l’importance de l’accord UE-Mercosur pour l’UE et les pays du Mercosur. Tout d’abord, il y a l’impact économique potentiel de l’accord commercial UE-Mercosur. Au total, l’UE a exporté 56 milliards d’euros de marchandises vers les pays du Mercosur en 2023 et importé 54 milliards d’euros de marchandises en provenance de la région. Cela fait de l’UE le deuxième partenaire commercial du bloc Mercosur, une relation commerciale qui représentait 16,9 % du commerce total de marchandises et 14,4 % des exportations du Mercosur (hors Bolivie) en 2023 (voir figure 1)1. Pour l’UE, le Mercosur (hors Bolivie) n’arrivait qu’en dixième position dans la liste des destinations d’exportation.

Les principales catégories d’exportations du Mercosur vers l’UE en 2023 étaient les produits minéraux (29,6% des exportations totales), les produits alimentaires, les boissons et le tabac (19,2 %) et les produits végétaux (17,9 %). Les exportations de l’UE vers le Mercosur étaient principalement constituées de machines et d’équipements (26,7 % des exportations totales), de produits chimiques et pharmaceutiques (25 %) et de matériel de transport (11,9 %). L’UE n’est pas seulement une destination importante pour les exportations, elle est aussi la plus grande source d’investissements directs étrangers pour les pays du Mercosur.
D’autres motifs importants à l’origine de l’accord commercial se trouvent dans les sphères géopolitique et stratégique. Avec cet accord, l’UE souhaite faire contrepoids à l’influence croissante de la Chine en Amérique du Sud. La région du Mercosur possède d’importantes réserves de matières premières essentielles à la transition écologique, notamment de graphite, de lithium, de nickel, de manganèse et de terres rares, ainsi que de niobium, un métal utilisé dans les fusées et les engins spatiaux2. En important davantage de ces matières premières stratégiquement importantes des pays du Mercosur plutôt que de la Chine, l’UE espère réduire sa dépendance à l’égard de cette dernière. L’accord commercial pourrait également inciter les entreprises européennes à réorienter leurs chaînes d’approvisionnement de la Chine vers l’Amérique du Sud. Cela pourrait à son tour se traduire par un afflux d’investissements bienvenu pour les pays du Mercosur, dont beaucoup tentent de réformer leurs industries locales.
Tout accord comporte des gagnants et des perdants, et il est important que les perdants soient entendus pour que l’accord commercial soit couronné de succès. Dans ce contexte, le terme « perdants » est très large et ne se limite pas aux commerçants et aux producteurs de biens et de services sur le marché intérieur. Les impacts sur l’environnement, le bien-être des animaux et la santé publique doivent donc également être pris en compte dans l’accord final si l’on veut que l’accord soit une réussite.
Source : Cora Vandamme - Senior Economist, KBC Group
1 details_mercosur-4_en.pdf (europa.eu)
2 The bigger picture: The case for an EU-Mercosur free trade deal | ECFR
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Publication : le 3 septembre 2024 à 9h13
La présente communication n’a pas été établie conformément aux dispositions relatives à la promotion de la recherche indépendante en investissement et n’est pas soumise à l’interdiction de négoce avant la diffusion de la recherche.
Le risque politique pourrait faire un retour en force en Europe, après les résultats des élections régionales en Allemagne, le blocage en Belgique et surtout évidemment l’absence de Premier ministre en France.
Dégradation des finances publiques
L’urgence est grande dans ces trois pays. En Allemagne, la coalition qui était déjà bancale se trouve encore plus fragilisée après le résultat de ces élections, alors que la situation économique continue de se dégrader.
En Belgique, nous avons le sentiment d’un retour en arrière et que le monde politique ne pense plus qu’aux élections communales et que le reste pourra bien attendre.
En France, chaque nom évoqué comme potentiel Premier ministre est tout de suite vilipendé et contesté, et pendant ce temps les finances publiques se dégradent.
Selon une mise à jour de la situation budgétaire, le déficit public pourrait atteindre 5,6 % du PIB cette année contre 5,1 % jusqu’à présent estimé par le gouvernement. En cause, des revenus moindres provenant de la TVA, de l’impôt sur le revenu et sur les sociétés.
Pour le moment, le spread entre le Bund et l’obligation française à 10 ans reste stable à 0,70 %, mais le risque est grand de voir les tensions augmenter, ce qui ne fait évidemment pas les affaires de la BCE.
Valeur refuge ou ?
Manifestement, les investisseurs se tournent vers le franc suisse, comme alternative au yen, compte tenu du risque d’une forte hausse de ce dernier.

La question est de savoir s’ils se tournent vers le franc suisse comme valeur refuge ou bien s’ils le font dans le cadre des opérations de carry trade, opérations consistant à emprunter une devise à faible taux d’intérêt et à l’échanger contre d’autres afin d’acheter des actifs à rendement plus élevé.
La décision de la Banque nationale suisse de baisser ses taux en début d’année avant les autres Banques centrales a encore plus accentué le différentiel de taux et dès lors favorisé cette opération de portage.
Les investisseurs tablent sur de nouvelles baisses de taux de la part de la BNS, ce qui entrainerait alors un recul du franc suisse, ce qui rendrait le remboursement moins cher pour ceux qui empruntent maintenant.
Mais le franc suisse sert aussi de valeur refuge et compte tenu du contexte plus qu’incertain que nous connaissons actuellement, il pourrait encore se renforcer et venir dès lors mettre à mal la belle mécanique des carry trade.
Et le contexte politique très incertain en Europe, avec en toile de fonds les questions sur le ralentissement de l’économie européenne dans les prochains mois, sont des éléments qui devraient soutenir le franc suisse.
Car la publication de la version finale des indices PMI manufacturiers en zone euro n’a fait que confirmer que la reprise n’est pas pour tout de suite, en particulier pour le secteur manufacturier qui demeure en récession.
Avec une situation particulièrement inquiétante en Allemagne et qui pourrait encore s’aggraver avec l’annonce faite par Volkswagen qu’ils n’excluaient pas de fermer des usines en Allemagne.
« La situation est extrêmement tendue et ne peut être surmontée par de simples mesures de réduction des coûts », a déclaré le directeur de la marque VW, Thomas Schäfer.
Dans le cadre d’un plan de réduction des coûts pour 10 milliards d’euros, VW envisagerait de fermer une grande usine de fabrication ainsi qu’une usine de composants.
Autant dire que cela serait un cataclysme pour l’Allemagne et entraînerait des conséquences très lourdes.
Yo-yo sur le pétrole
La faiblesse des indices PMI manufacturiers en Europe et en Chine, qui font craindre un ralentissement, en particulier en Chine, pourrait peser sur la demande.
D’un autre côté, la situation en Libye fait que la production a chuté de moitié, ce qui aurait dû apporter un peu de soutien au prix du baril.
Pour le moment, il semblerait que ces deux éléments se neutralisent. Mais en octobre, selon les accords au sein de l’OPEP+, la production devrait augmenter de 180.000 barils par jour. Même si la crainte d’une demande plus faible reste élevée.
Et pour ne rien arranger, deux pétroliers ont été attaqués, hier, en mer Rouge, au large du Yémen, ce qui ne fait qu’exacerber les craintes concernant l’offre. Et la raffinerie russe Gazpromneft de Moscou a dû suspendre les activités d’une unité pour effectuer des réparations, après un incendie suite à une attaque de drone.
Comment voulez-vous dans ces conditions faire des prévisions sur l’évolution du prix du baril dans les prochains mois ?

Source : Bernard Keppenne, Chief Economist - CBC Banque & Assurances