mer. 20 sept. 2023

15:30

La politique budgétaire : un outil oublié dans la lutte contre l’inflation

Dans de nombreux pays de la zone euro, la politique budgétaire est confrontée à des choix contradictoires entre, d’une part, les appels à plus d’argent public pour répondre à de nombreux besoins sociaux et, d’autre part, la nécessité d’économiser pour assurer la viabilité des finances publiques. Ce choix ne doit pas faire oublier aux décideurs politiques le rôle de la politique budgétaire dans la lutte contre l’inflation. Une étude récente du FMI montre que la limitation des dépenses publiques pourrait contribuer à réduire l’inflation dans la zone euro et à diminuer quelque peu la nécessité pour la BCE de relever ses taux d’intérêt. L’inflation étant un problème qui touche l’ensemble de l’union monétaire, le resserrement de la politique budgétaire dans tous les pays de la zone euro, quel que soit leur niveau d’endettement, apporterait la plus grande contribution. Cela nécessite une coordination, qui fonctionnerait probablement mieux avec une capacité fiscale plus forte au niveau de l’union monétaire.

Aveuglés par les choix déchirants

La politique budgétaire est confrontée à des choix contradictoires. D’une part, les besoins de dépenses supplémentaires surgissent de toutes parts : vieillissement, écologisation de l’économie, transition numérique, renforcement de la défense, de l’éducation, des soins de santé, etc. D’autre part, la viabilité de la dette publique appelle à la parcimonie. Après tout, les mesures de soutien prises pendant les crises du pétrole et de l’énergie ont fait exploser les ratios de la dette publique partout, bien que la reprise de la croissance après la pandémie et une inflation particulièrement élevée aient déjà provoqué un renversement (peut-être temporaire) de la situation (Figure 1).

Comme la politique budgétaire était, jusqu’à récemment, accompagnée d’une politique monétaire expansionniste, la Banque centrale européenne (BCE) maintenant des taux d’intérêt extrêmement bas et absorbant largement la croissance de la dette publique en achetant elle-même du papier d’État sur le marché secondaire, la viabilité de la dette n’a pas posé de problème. Les règles strictes du cadre budgétaire européen ont été rendues inopérantes par l’activation de la « clause de sauvegarde » en 2020-2023. L’accent a été mis sur la satisfaction des besoins émergents.

Toutefois, les règles budgétaires entreront à nouveau en vigueur en 2024, et la poussée inflationniste a entre-temps incité la BCE à modifier sa politique. Elle n’est plus un acheteur (net) de titres d’État et a relevé son taux directeur au niveau le plus élevé depuis le début de l’union monétaire en 1999. Les taux d’intérêt à long terme ont également augmenté et les charges d’intérêt dans les budgets publics recommencent progressivement à augmenter après des années de baisse. Nous n’en sommes peut-être pas là (aujourd’hui ou demain), mais avec une croissance économique en panne, la hausse des taux d’intérêt ravive les perspectives d’une boule de neige des intérêts et de la dette dans les finances publiques, d’autant plus que la BCE est loin d’avoir gagné sa bataille contre l’inflation. La question reste ouverte de savoir jusqu’à quel niveau elle devra augmenter les taux d’intérêt pour étouffer l’inflation dans l’œuf.

Éviter les conflits politiques

Dans ce contexte, on craint parfois qu’une dette publique élevée ne restreigne la marge de manœuvre de la BCE. En effet, en augmentant trop les taux d’intérêt, elle mettrait elle-même en péril la viabilité des finances publiques, du moins dans les pays très endettés. Ces craintes sont compréhensibles, car les pays dont le taux d’endettement est supérieur à 100 % du PIB représentent environ la moitié du PIB de la zone euro. S’ils tombent dans une crise de la dette, c’est toute la zone euro qui est touchée.

Mais ces craintes ne tiennent pas compte du fait que la responsabilité de la viabilité des finances publiques incombe principalement à l’autorité budgétaire et que la politique budgétaire a également une incidence sur l’inflation. Une banque centrale peut lutter contre l’inflation en augmentant les taux d’intérêt et en réduisant les liquidités, mais cela ne réduit l’inflation que si cela refroidit la demande. Dans le même temps, si la politique budgétaire continue à soutenir (ou, a fortiori, à stimuler) la demande, cela va à l’encontre de la politique monétaire. En revanche, une autorité budgétaire peut faciliter la lutte contre l’inflation menée par la banque centrale en réduisant les dépenses publiques (de consommation), contribuant ainsi à ralentir la demande. La baisse de la demande peut réduire les pressions inflationnistes. Elle limite le pouvoir de fixation des prix des entreprises et peut stimuler la concurrence par les prix.

Une étude récente du Fonds monétaire international (FMI) montre qu’une réduction de la consommation publique dans tous les pays de la zone euro d’un point de pourcentage du PIB en 2023 et 2024, suivie d’une réduction d’un demi-point de pourcentage en 2025, permettrait à la BCE de maintenir les taux directeurs à un niveau inférieur de 30 à 50 points de base au cours de la période 2023-2025 par rapport à un scénario de référence. Le pic du taux directeur au cours de la deuxième année pourrait être inférieur de 30 à 70 points de base. Néanmoins, l’inflation de base serait inférieure de 0,15 à 0,25 point de pourcentage au cours des deux premières années. Un léger impact négatif sur le PIB la première année serait inversé par la suite. Le ratio de la dette publique à la fin de 2025 serait inférieur de deux points de pourcentage à celui du scénario de base et les risques pour la stabilité financière seraient moindres.

La suppression progressive des aides à l’énergie est insuffisante

L’étude note que les économies simulées dans les dépenses publiques courantes peuvent être considérées comme un retour en arrière des mesures de soutien introduites en 2022-2023. Il existe un consensus assez large sur l’opportunité de ce retour en arrière. Sur son urgence, moins. Au printemps, la Commission européenne avait proposé que les États membres suppriment progressivement les mesures de soutien à l’énergie d’ici à la fin de 2023, mais le Conseil a décidé de ne supprimer que le soutien d’urgence, non pas d’ici à la fin de 2023, mais « dès que possible en 2023 et 2024 ». Cependant, l’avis du Conseil budgétaire européen sur la politique budgétaire appropriée pour 2024 indique qu’une politique budgétaire appropriée devrait aller plus loin que la simple suppression progressive des mesures de soutien à l’énergie, notamment parce qu’une politique budgétaire plus restrictive permettrait d’abaisser les taux d’intérêt directeurs et de réduire le risque d’instabilité financière.

Les pays fortement endettés devraient-ils faire des économies plus substantielles, comme le conseille également le conseil budgétaire ? Cela améliorerait la viabilité de leurs finances publiques, surtout si cela réduisait la prime de risque sur leur dette. Mais l’étude du FMI souligne qu’ils connaîtraient alors une récession économique plus forte. Elle affirme également que la limitation de l’effort budgétaire aux pays fortement endettés se traduirait par une baisse moins importante de l’inflation dans la zone euro. Pour une même réduction de l’inflation, les pays très endettés devraient doubler leur effort. Malgré son effet favorable sur leur ratio d’endettement, un tel scénario est plutôt déraisonnable, car le prix économique de la réduction de l’inflation pèserait de manière disproportionnée sur certains pays seulement, alors que le problème de l’inflation est un problème qui concerne l’ensemble de la zone euro. Ce scénario ne serait réaliste que si la zone euro disposait d’instruments permettant d’encourager et d’aider les pays très endettés à le faire. Le FMI en conclut que l’union monétaire doit être renforcée par des instruments fiscaux qui permettraient de mieux absorber les chocs économiques. Une conclusion à laquelle nous souscrivons sans réserve.

Source : Lieven Noppe, Senior Economist - KBC Group

12:00

L’IA va-t-elle générer un chômage de masse ?

Le monde est captivé par le boom de l’IA générative. Son évolution rapide est allée plus vite que la plupart des gens auraient pu l’imaginer et a suscité des craintes de perturbations substantielles sur le marché du travail. Nous pensons qu’à l’heure actuelle, ces craintes doivent être nuancées, en gardant à l’esprit l’impact à moyen terme de ces nouvelles technologiques. Si la technologie doit encore évoluer, son adoption sera probablement progressive. Si l’IA générative est susceptible de trouver sa place sur le lieu de travail et de prendre en charge des tâches spécifiques (cols blancs), elle est également susceptible de créer une pléthore de nouveaux emplois. En outre, le macro-environnement actuel rend peu probable un chômage de masse. La diminution de la population en âge de travailler limitera de plus en plus l’offre de main-d’œuvre. Dans le même temps, les investissements liés au changement climatique, l’augmentation des dépenses militaires, la poursuite du découplage entre les États-Unis et la Chine et l’augmentation des dépenses de santé soutiendront la demande de main-d’œuvre. L’IA générative sera donc en mesure de contrebalancer les effets négatifs de ces tendances sur la croissance mondiale. Néanmoins, nous ne devons pas ignorer les coûts de transformation et les perturbations considérables que l’IA pourrait entraîner à court terme sur le marché du travail.

Introduction

ChatGPT continue d’attirer l’attention dans le monde entier. La dernière version de cet outil de traitement du langage naturel (NLP), GPT-4, a acquis des capacités étonnantes. Il a passé avec brio certains tests tels que le SAT et le GRE. Il a également réussi un examen du barreau avec un score se situant dans la tranche supérieure de 10 % des candidats. Il est capable de transformer un simple dessin en un site web fonctionnel, de concevoir un repas à partir des ingrédients figurant sur une photo de l’intérieur d’un réfrigérateur, et il permet à des utilisateurs n’ayant aucune expérience du codage de recréer des jeux emblématiques tels que Tetris ou Snake. Bien qu’anecdotiques, ces réalisations suscitent de grandes attentes.

L’étendue et la profondeur de ses capacités ont suscité de nombreuses spéculations sur l’impact économique de l’IA. De nombreux analystes et décideurs politiques ont mis en garde contre le potentiel de l’IA générative à automatiser une grande partie des emplois, en particulier dans le secteur des services, et s’inquiètent du risque de chômage de masse. Bien que nous comprenions ces inquiétudes, nous pensons que le risque de chômage de masse à moyen terme est limité et que, comme pour l’introduction d’autres technologies à grande échelle telles que l’électricité et l’informatique, nos économies auront le temps de s’adapter. Néanmoins, nous ne devrions pas ignorer les coûts de transformation et les perturbations considérables que l’IA pourrait entraîner sur le marché du travail à court terme, étant donné la nécessité de recyclage et de réaffectation de la main-d’œuvre à mesure que certaines compétences deviennent obsolètes1.

La technologie n’a pas encore atteint son plein potentiel

D’une part, les outils NLP sont loin d’avoir atteint leur plein potentiel et doivent encore surmonter des obstacles majeurs. L’un des principaux problèmes est leur précision. L’histoire très médiatisée d’un avocat qui a demandé à ChatGPT de l’aider à préparer un dossier pour le tribunal et qui a fini par utiliser une motion remplie d’affaires et de décisions inventées en est un exemple. Bien que ces problèmes de précision (ou d’hallucinations) soient en passe d’être résolus, il faudra du temps avant que la technologie soit suffisamment précise et fiable pour certains secteurs, tels que le secteur juridique ou médical.

Un autre problème est que l’IA reproduit les préjugés humains existants à l’encontre des minorités et des femmes, car la formation des modules d’IA repose sur des lots de données générées par l’homme2. IBM a récemment publié une bibliothèque open-source, appelée AI Fairness 360, qui permet aux programmeurs d’IA de tester et d’atténuer les préjugés dans les modèles et les ensembles de données. C’est un bon début. Cependant, d’autres solutions doivent être développées pour éliminer tous les biais dans les outils d’IA générative. De nombreuses entreprises (mais pas toutes) attendront probablement avant d’utiliser les nouveaux outils d’IA dans leur service des ressources humaines.

Les obstacles réglementaires pourraient également ralentir les avancées technologiques liées à l’IA. La récente loi européenne sur l’intelligence artificielle interdit par exemple certaines applications de l’IA pour des raisons éthiques et de protection de la vie privée. Elle crée également un cadre réglementaire pour les applications médicales de l’IA.

Un dernier problème connu des outils actuels de la NLP concerne les droits d’auteur3, puisque ChatGPT utilise le travail d’artistes et d’écrivains sans leur permission. De nombreux services de marketing, entre autres, voudront probablement attendre avant d’utiliser du contenu généré par l’IA dans leurs campagnes.

Les capacités de l’outil sont également susceptibles de s’améliorer progressivement. Ainsi, les chatbots ne pourront dans un premier temps répondre qu’à des demandes simples de clients, mais pourront à terme prendre en charge des missions plus complexes, grâce à leurs capacités d’auto-apprentissage. De même, si les programmes d’IA générative sont actuellement capables de créer une image générée par l’IA, leur capacité à créer des courts-métrages générés par l’IA (et a fortiori des films complets) doit encore s’améliorer considérablement.

Le développement technologique de l’IA pourrait également être entravé par le problème dit de l’effondrement de l’IA générative. Si l’IA est entraînée sur du contenu généré par l’IA (qui peuplera de plus en plus l’internet), des défauts apparaissent dans l’algorithme. Des solutions doivent encore être trouvées pour y remédier4.

Tout cela pour dire que les outils de NLP seront probablement utilisables pour différents emplois à différents horizons. Leur impact sur le marché du travail sera donc probablement progressif.

La mise en œuvre de la technologie prend du temps

Même lorsque la technologie est suffisamment mûre pour perturber un certain secteur, la perturbation elle-même ne se produira pas automatiquement. Au contraire, la mise en œuvre de nouveaux outils d’IA nécessitera souvent l’acquisition de nouveau matériel, une intégration prolongée dans les systèmes informatiques existants, la réorganisation des processus existants et un long programme de formation et de gestion du changement. Dans les start-ups agiles ou les perturbateurs, la mise en œuvre de l’IA peut être assez rapide. Toutefois, les grandes entreprises ou les entités opérant dans des secteurs moins compétitifs ou dans le secteur public mettront probablement des années, voire des décennies, avant d’intégrer pleinement l’IA dans leurs processus. En outre, le développement d’environnements d’IA spécifiques aux entreprises peut rapidement se heurter à des problèmes de capacité, car les systèmes d’IA nécessitent d’énormes capacités de traitement du matériel et des données.

L’IA créera également de nombreux emplois

Alors que les entreprises et les entités publiques du monde entier intègrent l’IA dans leurs processus actuels, la révolution de l’IA est susceptible de générer de nombreux nouveaux emplois. L’IA est également susceptible de créer un certain nombre d’emplois que l’on ne peut imaginer aujourd’hui. Une étude récente a montré qu’environ 60 % des emplois actuels n’existaient pas en 19405. De nombreux emplois importants, tels que les installateurs de panneaux solaires ou les experts en marketing numérique, n’ont été créés que récemment. De même, de nombreux nouveaux emplois seront nécessaires pour, entre autres, développer, former, tester et exploiter les applications de l’IA.

En outre, en réduisant les coûts des biens et des services, l’IA générative peut stimuler la demande d’emplois ou de tâches qui sont plus difficiles à automatiser. L’IA pourrait réduire considérablement le temps nécessaire à l’agrégation des données ou à l’élaboration de diapositives, ce qui permettrait aux consultants de réduire leurs honoraires. Cela rendra le conseil en gestion abordable pour les petites et moyennes entreprises et augmentera donc la demande pour leurs services. Une dynamique similaire pourrait à terme être à l’œuvre pour les avocats. Selon un récent rapport de Goldman Sachs, 44 % des tâches juridiques pourraient être exécutées par l’IA, en particulier la recherche et la rédaction de documents juridiques. L’automatisation de ces tâches rendra les conseils juridiques moins chers et donc accessibles à un plus grand nombre de personnes.

L’offre de main-d’œuvre diminue progressivement

Le contexte démographique actuel est une autre raison pour laquelle il est peu probable que l’IA générative provoque un chômage de masse. La révolution de l’IA se produit en effet dans un contexte de déclin des populations en âge de travailler et d’augmentation des taux de dépendance dans les économies à revenu élevé et intermédiaire (voir Figure 1). Plutôt que d’adopter l’IA pour remplacer les travailleurs actifs, les entreprises et les gouvernements pourraient donc choisir d’utiliser l’IA pour remplacer les travailleurs qui partent à la retraite. Cela atténuera quelque peu les tensions sur le marché du travail.

La demande de main-d’œuvre augmente

Alors que l’offre de main-d’œuvre est actuellement limitée, la demande de main-d’œuvre est généralement en hausse. La transition vers le changement climatique, l’augmentation des dépenses militaires, le découplage entre les États-Unis et la Chine et l’augmentation de la demande de soins de santé sont autant de sources supplémentaires qui soutiennent la forte demande de main-d’œuvre. Ces quatre évolutions, entre autres, entraîneront une forte augmentation des dépenses publiques (à forte intensité de main-d’œuvre).

En ce qui concerne le changement climatique, The Economist estime que les gouvernements devront consacrer 0,2 % du PIB par an à la décarbonisation au cours des prochaines décennies s’ils souhaitent atteindre le niveau zéro net6. D’autres institutions, telles que l’AIE, estiment que les coûts pourraient même être plus élevés. Le renforcement des capacités militaires vient s’ajouter à cela. Les pays d’Europe occidentale n’ont consacré que 1,6 % de leur PIB à leur armée en 2021, ce qui est bien inférieur aux 2 % promis par l’OTAN. Plusieurs d’entre eux ont promis d’augmenter considérablement leurs dépenses. D’autres pays, comme la Chine et la Russie, sont susceptibles d’augmenter considérablement leurs dépenses militaires à mesure que les tensions géopolitiques s’intensifient.

Les tensions géopolitiques conduisent également à une guerre commerciale technologique coûteuse entre la Chine et le monde occidental. Pour réduire leur dépendance à l’égard de la Chine, les États-Unis ont adopté la loi sur les puces et la science, qui prévoit un nouveau financement de 280 milliards de dollars pour stimuler la recherche nationale et la fabrication de semi-conducteurs aux États-Unis. L’Europe prend des mesures similaires. Une étude récente du FMI estime que le coût du découplage technologique sur un horizon de 10 ans serait d’environ 8 % pour la Chine, 4 % pour les États-Unis et 6 % pour la zone euro dans les pires scénarios7. La croissance de la productivité, qui a été faible au cours des dernières décennies dans le monde occidental (voir Figure 2), risque d’être encore plus affectée par cette évolution. L’IA pourrait inverser cette tendance négative (voir plus loin).

Enfin, le vieillissement de la population ne réduit pas seulement l’offre de main-d’œuvre, mais augmente également la demande de main-d’œuvre dans le secteur des soins de santé (à forte intensité de main-d’œuvre et difficilement automatisable). Aux États-Unis, par exemple, le Bureau of Labor Statistics prévoit que les emplois dans les secteurs des soins de santé et de l’assistance sociale augmenteront de 2,8 % par an, soit 2,6 millions d’emplois supplémentaires entre 2021 et 2031. Les finances publiques seront également mises à rude épreuve. Le Congressional Budget Office prévoit que les dépenses liées à Medicare (le programme public de soins de santé pour les personnes âgées aux États-Unis) passeront de 10,1 % du budget fédéral en 2021 à 17,8 % en 2032, ce qui pourrait augmenter le ratio dette/PIB. L’IA étant susceptible d’augmenter le PIB de manière significative, elle pourrait contrebalancer cette pression budgétaire.

Impact sur l’économie

L’impact total de l’IA générative sur l’économie fait encore l’objet d’un vif débat parmi les économistes. Certains économistes, comme Tom Davidson d’Open Philanthropy, estiment qu’il y a de bonnes chances que l’IA soit à l’origine d’une croissance explosive à deux chiffres au cours des prochaines décennies. Compte tenu de la nécessité de poursuivre les améliorations technologiques et de la lenteur du processus d’adoption dont nous avons parlé plus haut, cela nous semble moins probable. Un récent rapport de McKinsey brosse un tableau plus réaliste. Il estime que le déploiement de l’IA générative et d’autres technologies pourrait donner à l’économie mondiale un coup de pouce annuel à la productivité de 0,2 à 3,3 points de pourcentage entre 2023 et 2040, l’IA générative contribuant à cette croissance à hauteur de 0,1 à 0,6 point de pourcentage. Elle estime que l’IA générative pourrait ajouter l’équivalent de 2,6 à 4,4 billions de dollars au PIB mondial au fil du temps (le PIB mondial a été estimé à 100 billions de dollars l’année dernière).

Goldman Sachs est légèrement plus optimiste et estime que l’IA générative pourrait augmenter le PIB mondial de 7 000 milliards de dollars au cours de la prochaine décennie. Elle estime que l’IA pourrait accroître la productivité du travail de 0,27 à 2,93 points de pourcentage, en fonction de la vitesse et de la portée de l’adoption et de l’évolution technologique. Le rapport estime également qu’environ 63 % des emplois actuels seront partiellement automatisés par l’IA. Cela dit, moins de 5 % des emplois verraient plus de 50 % de leur charge de travail automatisée. Il va sans dire que les deux rapports soulignent l’extrême incertitude qui entoure leurs évaluations d’impact.

Conclusion

L’IA générative va certainement transformer l’économie mondiale. Cela dit, nous estimons que les risques de chômage de masse à moyen terme sont plutôt limités, en particulier dans le contexte actuel où l’offre de main-d’œuvre est plus faible et la demande de main-d’œuvre plus forte. La nécessité de poursuivre l’évolution technologique et la lenteur probable du processus d’adoption de l’IA permettront à l’économie de s’adapter. Plutôt que de provoquer un chômage de masse, l’IA pourrait donner à l’économie mondiale un coup de fouet bienvenu à la productivité ! Néanmoins, nous ne devons pas ignorer les coûts de transformation et les perturbations considérables que l’IA pourrait entraîner à court terme sur les marchés du travail.

“The economic consequences of artificial intelligence : an overview”, C. Piton, 2023, NBB Economic Review

Bias in AI: What it is, Types, Examples & 6 Ways to Fix it in 2023 (aimultiple.com)

‘New York Times’ considers legal action against OpenAI as copyright tensions swirl : NPR

“The Curse of Recursion: Training on Generated Data Makes Models Forget”, Ilia Shumailov, Zakhar Shumaylov, Yiren Zhao, Yarin Gal, Nicolas Papernot, Ross Anderson, 2023, Cornell University

5 “New Frontiers: The Origins and Content of New Work, 1940–2018”, David Autor, Caroline Chin, Anna M. Salomons & Bryan Seegmiller, 2022, NBER

Adding up the fiscal drag from ageing, energy and defence (economist.com)

7 ″Sizing Up the Effects of Technological Decoupling”, Diego A. Cerdeiro, Johannes Eugster, Rui C. Mano, Dirk Muir, en Shanaka J. Peiris, 2021, IMF

Source : Laurent Convent, Economist - KBC Group

11:42

Les titres les plus négociés sur Bolero

Chaque jour, nous vous offrons un aperçu des titres les plus négociés chez Bolero sur Euronext. Idéal pour prendre la température du marché boursier et pour découvrir les actions ou les titres que les autres investisseurs s'arrachent !

Dans le top 10 aujourd'hui : Financière de Tubize, UCB, Proximus, KBC, Ageas, Biosenic, Kinepolis, Telenet, Argen-x, KBC Ancora.

9:29

Actualités des entreprises du Benelux

  • AB Inbev a réitéré ses ambitions à moyen terme lors de la journée des analystes.
  • Mediahuis d'Ackermans a investi dans CareerFairy, tandis que MRM Health a publié des résultats positifs.
  • Le promoteur immobilier CTP prévoit un bénéfice EPRA pour 2024 compris entre 0,80 et 0,82 euro par action.
  • Saverex et Saverys contrôlent 83,76 % d'Exmar après une offre publique d'achat élargie.
  • Gimv accorde à certaines parties intéressées l'accès à des informations confidentielles.
  • Telenet sera retirée de la cote le 13 octobre à la suite d'une offre publique d'achat simplifiée.
  • KBCS relève l'objectif de cours pour TKH Group après un ajustement approfondi du modèle.
  • UCB annonce que la FDA n'a toujours pas pris de décision concernant le feu vert pour le bimekizumab.
9:14

Actualités des entreprises européennes

  • Novo Nordisk heeft Aspen Pharmacare gecontracteerd voor de productie van insuline in Zuid-Afrika.
9:11

Actualités des entreprises américaines

  • L'industrie de la croisière sous les feux de la rampe.
  • Starbucks pourrait voir ses valorisations baisser en raison de la situation en Chine.
  • Dell Technologies obtient une augmentation de recommandation de la maison de courtage Daiwa Capital Markets.
  • Planet Fitness reçoit une recommandation plus faible de JPMorgan en raison du changement de PDG.
  • L'action de Rocket Lab s'effondre après l'échec du lancement.
  • Instacart fait une bonne entrée en Bourse.
  • Le nouveau directeur financier de Warner Music Group vient de chez Disney.
  • Walt Disney va doubler ses investissements dans les parcs à thème.
  • Boston Scientific va racheter Relievant Medsystems.
  • Target embauchera 100 000 personnes supplémentaires avant la fin de l'année.
9:09

Actualités des entreprises asiatiques

  • Le géant chinois de l'énergie Sinopec a acheté plus de 30 cargaisons de GNL jusqu'à la fin 2024.
  • Huawei lancera un téléphone 5G de milieu de gamme en octobre.
  • Le producteur indien de fils et de câbles RR Cable (+15,8 %) est entré en Bourse avec succès hier soir.
  • Hyundai Global Service souhaite lever jusqu'à 1 milliard de dollars lors d'une introduction en Bourse à Séoul en 2024.
8:37

Le blog de Bernard Keppenne : « La FED restera ferme »

La Banque centrale de Chine a laissé ses taux inchangés ce matin, et la FED devrait faire de même ce soir, tout en lorgnant, avec préoccupation, les tensions sur le prix du baril.

Réunion de la FED

Juste un mot avant sur la décision de la Banque centrale de Chine, qui se laisse du temps compte tenu de la légère amélioration des indices, qui montrent une stabilisation de la situation.

La FED devrait laisser ses taux inchangés ce soir, ce qui n’a pas empêché le rendement du Treasury 10 ans d’atteindre son niveau le plus élevé depuis 16 ans.

Car elle devrait se montrer ferme et certainement insister sur le fait que les taux vont rester élevés pendant une longue période, ce que devraient confirmer les fameux dot plots qui indiquent les projections de taux des membres de la FED.

Mais la hausse du prix du baril ne manquera pas de susciter des craintes, et ces dernières se sont renforcées avec la publication de l’inflation au Canada qui est passée de 3,3 % à 4 % pour l’inflation globale.

Réunion de la BOE

Pas le temps de souffler, car demain se tiendront les réunions de la BOE, de la Banque centrale de Norvège, de Suède et de Suisse.

La BOE aura entre temps pris connaissance des derniers chiffres d’inflation, publiés ce matin, avec un taux d’inflation globale attendu à 7 % en août contre 6,8 % le mois précédent, et une inflation sous-jacente à 6,8 % contre 6,9 %. La hausse de 0,25 % des taux demain ne fait aucun doute vu le niveau de l’inflation, mais la suite est plus incertaine.

Prévisions de l’OCDE

Les membres des Comités des Banques centrales auront aussi sous le coude les dernières prévisions de l’OCDE, qui se montre plus positive pour cette année, mais a revu à la baisse ses prévisions pour 2024.

Elle table sur une croissance de 3 % cette année pour l’économie mondiale contre une précédente estimation de 2,7 %, et de 2,7 % en 2024 contre 2,9 % précédemment.

Le tableau reprend les prévisions de croissance en comparaison des précédentes prévisions, avec sans surprise une révision à la baisse de la croissance en zone euro à cause de la dégradation de la situation en Allemagne.

L’OCDE a également révisé ses prévisions pour la Chine pour 2023 et 2024, en constatant que « les signes d’un ralentissement de l’activité économique chinoise sont également préoccupants, compte tenu de l’importance de ce pays pour la croissance mondiale, les échanges et les marchés de capitaux. La dette élevée, et l’ampleur du secteur immobilier chinois, en difficulté, posent des problèmes de taille. Les dépenses de consommation mettent du temps à se redresser après la réouverture de l’économie, en raison de l’ampleur de l’épargne de précaution en l’absence de dispositifs étendus de protection sociale, et le secteur immobilier reste très fragile ». Je faisais d’ailleurs le même constat hier pour le site Moneystore sur les raisons de la piètre performance de la bourse chinoise depuis le début de l’année.

Et l’OCDE estime qu’un ralentissement plus marqué de l’activité en Chine est un risque majeur pour la croissance en 2024.

Concernant l’inflation, l’OCDE entrevoit bien une baisse, mais constate que l’inflation sous-jacente résiste et que, même si elle recule, elle devrait rester supérieure aux objectifs des Banques centrales dans la plupart des économies en 2023 et 2024.

Taux longs fermes

Il n’y a pas qu’aux États-Unis que les taux longs se sont tendus, c’est le cas également en zone euro, où le rendement du Bund 10 ans affiche son niveau le plus élevé depuis 12 ans.

Parce que, comme souligné à l’instant, l’inflation sous-jacente restera plus élevée que l’objectif de la BCE plus longtemps que prévu. Et comme le soulignait hier François Villeroy de Galhau, gouverneur de la Banque de France, « l’inflation est une maladie et les taux sont le médicament. Le médicament commence à fonctionner... Nous pensons que 4 % est un bon niveau. Il faut maintenir les taux à 4 % suffisamment longtemps ».

Mais comme la porte n’est pas tout à fait fermée pour une dernière hausse de taux de la part de la BCE, les taux longs vont rester fermes surtout avec un prix du baril au niveau actuel.

Et aussi, parce que, comme le montre le détail des postes qui composent l’inflation en zone euro, l’inflation dans les services ne reflue pas et est une des principales raisons pour laquelle l’inflation sous-jacente est restée à 5,3 %. Et que le reflux de l’inflation globale est bien évidemment lié à la baisse des prix de l’énergie.

Source : Bernard Keppenne, Chief Economist - CBC Banque & Assurances