mar. 31 août 2021
Focus du jour: Ouragans Katrina en 2005 et Ida en 2021: même impact sur les prix pétroliers?

Fin août 2005, l’ouragan ou cyclone tropical Katrina a frappé les côtes du sud-est des Etats-Unis. Il était de catégorie 5, le plus haut selon l’échelle Saffir-Simpson, avec des vents soufflant à 280 km/h. Il fut extrêmement meurtrier et dévastateur: plus de 1.800 morts et 1 millions de déplacés ont été dénombrés, 353.000 maisons furent détruites, 233.100 km² de terres ont été dévastées. La Louisiane et le Mississippi ont été particulièrement touchés. La ville de la Nouvelle-Orléans s’est trouvée submergée à près de 80%, les digues vieillissantes et mal entretenues ayant cédé.
Comme le rappelait le journal Les Echos en 2017 (Katrina, ouragan plus meurtrier et plus coûteux que Harvey | Les Echos), Katrina aurait coûté 150 milliards USD. En 2017, Harvey, un autre ouragan meurtrier aurait coûté environ 125 milliards USD. Mais l’ouragan Katrina a également eu de fortes conséquences sur les cours du pétrole. A l’époque, dans la foulée de la catastrophe, le prix du baril avait atteint 70 USD (58 euros), alors qu’il tournait aux alentours des 50 USD avant le passage de l’ouragan!
Ces derniers jours, c’est un nouvel ouragan important, Ida, qui a frappé les côtes américaines. Sa force a amplifié à l’approche des côtes du sud-est US pour atteindre le niveau 4.
Mais pourquoi Katrina, Ida, ou d’autres ouragans dans cette région du globe sont-ils si importants pour l’évolution des prix pétroliers?
Il faut d’abord resituer le contexte global de production de pétrole. Si on considère la production mondiale totale de pétrole en 2020, on obtient les chiffres suivants (International - U.S. Energy Information Administration (EIA)):

Si on considère uniquement la production de pétrole brut (« crude oil » en anglais), les USA comptent pour 15% de la production mondiale, 13% pour la Russie, 12% pour l’Arabie Saoudite, 6% pour l’Irak, 5% pour le Canada, etc. Le pétrole brut américain est produit dans 32 États américains et dans les eaux côtières américaines, mais environ 71% de la production totale de pétrole brut des États-Unis provient de seulement cinq États. Le Texas (« TX » sur la carte ci-dessous) comptant pour 43%, devant le Dakota du Nord (« ND ») avec 10.4%, le Nouveau Mexique (« NM », 9.2%), l’Oklahoma (« OK », 4.1%) et le Colorado (« CO », 4%). Cependant, en 2020, environ 14,6% du pétrole brut américain a été produit à partir de puits situés en mer, dans les eaux du golfe du Mexique administrées par le gouvernement fédéral (ou « Gulf of Mexico Federal Offshore » comme indiqué sur la carte). Et c’est dans cette région que surviennent la plupart des ouragans dévastateurs…

Généralement les prix pétroliers évoluent logiquement en fonction de la demande et de l’offre. La demande est dépendante de la conjoncture économique et du développement économique (la Chine est ainsi de plus en plus demandeuse d’or noir) mais il y a aussi une certaine saisonnalité (la demande augmente par exemple en hiver, pour se chauffer). L’offre est dépendante évidemment de la production des principaux pays mais aussi de certains accords comme au sein de l’OPEP+ en particulier. Cette organisation a ainsi tempéré l’offre de pétrole au moment de l’éclatement de la pandémie en 2020, l’économie étant quasiment à l’arrêt et la demande de pétrole très réduite, pour ensuite l’augmenter progressivement depuis quelques mois.
Mais il y a aussi des facteurs exceptionnels qui viennent compliquer l’équation comme des conflits et tensions géopolitiques (au Moyen-Orient notamment), le développement de nouveaux modes de production (pétrole de schiste ou forage en eaux très profondes par exemple) et des catastrophes accidentelles ou naturelles.
Ainsi récemment la société d’état mexicaine Pemex a été victime de 2 accidents graves ayant impacté sa production, sur le site de Ku Maloob Zaap (le plus grand site de la société comptant pour 40% de sa production totale) en juillet d’une part, et d’autre part un grave incendie sur une autre plateforme il y a quelques jours faisant plusieurs morts. Dans les deux cas, les cours du pétrole ont été tirés vers le haut suite à une baisse sensible de la production de Pemex.
Les ouragans font eux partie des catastrophes naturelles impactant les prix pétroliers. En 2005, l’ouragan Katrina avait paralysé les puits et plates-formes pétrolières du golfe du Mexique, aggravant donc les tensions sur les marchés pétroliers.
Dans le cas actuel, à cause de l’ouragan Ida, d'après les rapports des exploitants, on estime qu'environ 95,65% de la production actuelle de pétrole et 93.75% de la production de gaz naturel dans le Golfe du Mexique a été arrêtée ces derniers jours. Des centaines de plateformes ont été évacuées. (Bureau of Safety and Environmental Enforcement | Promoting Safety, Protecting the Environment and Conserving Offshore Resources (bsee.gov). Cela correspond à environ 1.74 de barils de pétrole par jour en moins…
Résultat, en prévision de l’arrêt de capacités importantes de production de pétrole dû à Ida, les prix de l’or noir ont augmenté de plus de 12% en 7 jours…
Notons que dans le cas du Crédit Suisse, le critère de contrôle familial est de 20% et que in fine la base compte réellement 1.061 sociétés familiales, une majorité d’entre elles étant localisées en Asie, contre 24% en Europe et 14% aux USA. L’échantillon du Crédit Suisse a aussi une forte connotation "petites sociétés" vu que 49% ont une capitalisation boursière de moins de 3 milliards USD alors que 30% ont une taille supérieur à 7 milliards USD.

Mais il pourrait aussi y avoir un impact sur des produits raffinés comme l’essence et le diesel. En effet, certaines raffineries et sociétés exploitant des pipelines ont aussi été mises à l’arrêt (préventivement ou à cause de pannes d’électricité dues à Ida) ou risquent d’être endommagées.
Colonial Pipeline, opérateur du plus grand pipeline de produits pétroliers des États-Unis, a ainsi déclaré dimanche qu'il interromprait temporairement les livraisons de carburant de Houston à Greensboro, en Caroline du Nord, en raison d'Ida. 60% de l'essence utilisée sur la côte est expédiée depuis la côte du Golfe du Mexique, en grande partie par le pipeline Colonial, qui se trouve sur le tracé de l’ouragan…
Cependant l’ouragan Ida qui, à un moment été classifié en catégorie 4, a été rétrogradé hier en catégorie 3, la situation devrait donc progressivement s’améliorer.
Que penser alors de l’évolution des prix du pétrole dans les jours et semaines à venir?
Les prix du pétrole se sont progressivement remis de leur effondrement en mars 2020 du fait de la pandémie, à mesure que les économies du monde entier rouvraient après avoir été bloquées et que la demande d'énergie augmentait. Mais la hausse des cas de coronavirus causés par le variant delta, hautement contagieux, a récemment complexifié quelque peu la situation économique. Et donc la problématique des prix pétroliers…
Quant à la situation dans le golfe du Mexique, selon un article du New York Times hier (Oil and Gasoline Futures Feel Impact of Hurricane Ida - The New York Times (nytimes.com), "La grande question est de savoir qui fera un retour plus rapide - la production pétrolière offshore ou la capacité de raffinage? Si c'est la première, nous pourrions commencer à voir une accumulation des stocks de pétrole brut, ce qui pourrait peser sur les prix".
Et donc ramener ceux-ci à des niveaux plus bas qu’actuellement. Mais comme nous l’avons évoqué ci-dessus, l’évolution des prix du pétrole est une équation complexe, dépendant de facteurs ordinaires et d’autres extraordinaires. Donc difficile de vraiment évaluer l’évolution de ceux-ci à court terme même s’il semble, à priori, que l’influence d’Ida sur les prix de l’or noir soit moins importante que celle de Katrina il y a 16 ans.
A souligner enfin, les investisseurs seront attentifs au sommet de l’OPEP+ qui se tiendra mercredi. Le cartel de producteurs, avec l’Arabie Saoudite et la Russie en chefs de file, doit évaluer sa politique actuelle de continuer à augmenter progressivement sa production.
Quoiqu’il en soit, "Wait and See" comme diraient les américains…
Source: Michel Ernst - Stratégiste Actions Senior chez CBC Banque & Assurance