lun. 18 sept. 2023
La chronique de Michel Ernst : « Investir dans des actions des BRICS, une bonne idée ? »


On entend souvent parles des "BRICS", mais de quoi s’agit-il précisément?
L'acronyme "BRICs" est apparu pour la première fois en 2001 sous la plume de l'économiste britannique Jim O’Neill, dans un rapport de la banque d'investissement Goldman Sachs intitulé Building Better Global Economic BRICs (le "S" final étant celui du pluriel). Selon ce rapport 4 pays émergents importants pèseraient de plus en plus dans l’économie mondiale, suite à leur croissance annuelle plus rapide que la moyenne.
Les « BRICS » (Brasil, Russia, India, China, South Africa) désignent ainsi le rapprochement de 4 premiers nommés, rejoints par l'Afrique du Sud en 2011. Un 1er sommet officiel a été organisé en Russie en 2009, et depuis, chaque année, les BRICS se revoient via de tels sommets, à tour de rôle chez chacun des membres. Le but est d'affirmer la place majeure de ces pays sur la scène internationale, d’un point de vue économique et politique, en particulier au regard d'autres États ou groupes d'États comme le G7, les USA ou l’Europe.
Et selon une annonce récente, cette association va s’étendre prochainement.
Il y a quelques jours, lors du 15e sommet des BRICS, le président sud-africain Cyril Ramaphosa a annoncé que l’Arabie Saoudite, l’Argentine, l’Egypte, les Emirats Arabes Unis, l’Ethiopie et l’Iran ont été invités à rejoindre l’association. Leur adhésion sera effective le 1er janvier 2024 lors d’un nouveau sommet en Afrique du Sud.

Comme le soulignait récemment le journal L'Echo, ce sont des partenaires de poids pour les BRICS. L'Arabie saoudite, 1er premier pays exportateur mondial de pétrole - et les Emirats Arabes Unis - cinquième - vont ainsi rejoindre la Russie, pays producteur important. L'Argentine est une grande puissance agricole et l'Egypte un pays influent dans le monde arabe, comme l'Arabie saoudite.
Mais l’expansion du groupe des BRICS ne devrait pas s’arrêter là… Le Mexique, la Corée du Sud et la Turquie voudraient, selon le journal Le Monde, entrer dans le groupe. Par ailleurs, à la date du 10 août 2023, 23 pays ont officiellement soumis leur demande pour rejoindre les BRICS. Enfin un article récent de Reuters va encore plus loin et mentionne le chiffre de 40 candidats potentiels à l’élargissement…
Economiquement l’importance des BRICS est grandissante…
On peut en effet évaluer l’importance des BRICS selon plusieurs critères:
- PIB: Selon le FMI, les 6 membres actuels représentent 26.3% du PIB mondial (la Chine seule compte pour 18.4%), les 6 nouveaux candidats rajoutant 3% à ce chiffre.
- POPULATION: les BRICS comptent pour près de 41% de la population mondiale, (dont 36% pour la Chine et l’Inde) soit environ 2,850 milliards de personnes. Les 6 "petits nouveaux" augmentent le chiffre total de 5.3%. (Source: World Population Review)
- PRODUCTION DE PETROLE: Selon l’Energy Institute Statistical Review of World Energy, sachant que l’Afrique du Sud n’exporte pas de pétrole, les 4 autres membres exportent 20.4% du pétrole mondial. Les 6 nouveaux pays vont fortement augmenter ce chiffre, jusqu’à 43.2% (dont 13% pour l’Arabie Saoudite seule!)
- EXPORTATIONS TOTALES: Selon les chiffres 2022 de l’Organisation Mondiale du Commerce, l'expansion des BRICS fera passer la part du groupe dans les exportations mondiales (commerce de marchandises) de 20,2% à 25,1%, la Chine seule représentant 14.4% des exportations mondiales…
Les marchés boursiers des BRICS n’ont pas évolué de la même manière…
L’évolution des marchés boursiers des BRICS a été pour le moins contrastée ces dernières années! On sait que les bourses chinoises, surtout celle de Hong Kong, ont sous-performé (croissance en berne, graves difficultés du secteur immobilier, forte politique régulatoire du gouvernement,…). La bourse russe qui performait bien auparavant est rentrée dans le rang suite à la guerre en Ukraine et les sanctions prises contre le régime de Moscou. A l’opposé, la bourse indienne (en jaune) paraît la grande gagnante parmi les BRICS, que ce soit sur les 5 ou 10 dernières années, son dynamisme et potentiel économique expliquant cela.

Conclusion
Si le concept des BRICS peut s’expliquer et se justifier rationnellement, il s’accommode néanmoins mal des différences importantes qui existent entre les 5 pays actuels. Des facteurs plus ou moins imprévisibles pourraient par ailleurs intervenir et entraver la croissance rapide de certains de ces pays: des questions d’environnement, des conflits internationaux – voire l’antagonisme entre certains pays membres - des épidémies, le terrorisme ou la gestion des ressources énergétiques ou naturelles. Ensuite, les pays BRICS ont, pour beaucoup, de très vastes populations en dessous du seuil de pauvreté, situation qui pourrait entraîner un malaise social croissant, avec les conséquences qui pourraient en découler et impacter les finances gouvernementales. Enfin des raisons géopolitiques pourraient entraîner des (nouvelles) sanctions internationales grevant le PIB de certains pays… Et évidemment l’arrivée de nouveaux pays va encore complexifier la gestion politique et économique du groupe des BRICS. Et si des progrès sont toutefois à noter en matière d’enseignement et de recherche, en matière de santé aussi par exemple, il reste encore un écart avec les grandes puissances occidentales dans de nombreux domaines…
Bref, en ce qui concerne les BRICS, on n’a(ura) pas à faire, en dehors d’une appellation commune, à une homogénéité de comportement politique, économique, financier et donc boursier. A terme, il conviendra donc probablement d’être très sélectif et d’investir dans certains pays plutôt que d’autres…
Source : Michel Ernst - Stratégiste Actions Senior chez CBC Banque & Assurance