jeu. 2 nov. 2023

Les stratèges de KBC Asset Management suivent de près les résultats d'entreprises, publiés à plein régime en ce moment. Siegfried Top, Senior Investment Strategist, écrit ceci :
La saison des résultats du troisième trimestre touche tout doucement à sa fin. Les résultats semblent bons à première vue, les États-Unis réservant leur lot de bonnes surprises et affichant même à nouveau une croissance bénéficiaire positive par rapport à l'année précédente. Les marchés boursiers n’ont guère fait montre d’enthousiasme pour autant, et ce à juste titre : la croissance du chiffre d’affaires n'a pas vraiment progressé, nombre d'entreprises ont fait preuve de prudence, voire de pessimisme dans leurs prévisions, et les chiffres ont été plutôt décevants dans d'autres régions, comme l'Europe.
Les bonnes nouvelles : résultats et surprises
Quiconque veut voir le verre à moitié plein a intérêt à se concentrer sur les bénéfices réalisés aux États-Unis. Sur les 340 entreprises environ sur 500 qui ont publié leurs résultats, la tendance est positive, avec une croissance bénéficiaire supérieure de quelque 8% aux attentes. Après des trimestres de chiffres négatifs par rapport aux trimestres précédents, les entreprises du S&P 500 semblent se diriger vers une croissance bénéficiaire de 3 à 4% par rapport au troisième trimestre 2022. Nous constatons également une timide accélération de la croissance par rapport aux premier et deuxième trimestres.
Les secteurs qui se taillent la plus forte croissance bénéficiaire sont la consommation discrétionnaire - plus particulièrement les services aux consommateurs (par exemple, le tourisme) -, les sociétés de médias et les logiciels. La dichotomie observée dans le reste de l'économie, avec une confiance toujours forte dans le secteur des services et une faiblesse dans les secteurs industriels mondiaux, se manifeste aussi clairement dans les résultats d’entreprises.
Parmi les homologues plus atones se trouvent notamment les Matériaux, les énergies traditionnelles et alternatives, les Transports, le matériel informatique et les semi-conducteurs. Les entreprises américaines du secteur de la santé font également preuve d’atonie: leurs bénéfices retombent à des niveaux normaux à l’ère post-Covid.
La croissance bénéficiaire est donc positive dans l’ensemble, malgré les difficultés que représentent, par exemple, les fortes hausses des taux d'intérêt des banques centrales. Il faut dire que les entreprises parviennent miraculeusement à maintenir leurs marges dans la plupart des secteurs, à des niveaux encore historiquement élevés. Malgré ces bonnes surprises, les marchés boursiers ne réagissent que très tièdement à la saison des résultats. Les entreprises qui tirent leur épingle du jeu sont modérément récompensées, et celles qui sous-performent subissent une forte correction, surtout lorsqu'elles actualisent elles aussi leurs prévisions.
Les mauvaises nouvelles : croissance des chiffres d’affaires, prévisions et ... Europe plus faibles
Car les analystes et les investisseurs ne se contentent pas de la rétrospective du troisième trimestre. Un premier élément clé de ce à quoi nous pouvons nous attendre au cours des prochains trimestres est la croissance du chiffre d'affaires. Qui semble stagner pour le moment, malgré une croissance économique record de près de 5% aux États-Unis au troisième trimestre et une inflation encore assez élevée: les prix sont en effet l'un des facteurs déterminants de la croissance du chiffre d'affaires.
En outre, nombre d’entreprises qui sentent le vent tourner revoient leurs prévisions pour 2024 à la baisse. Un large éventail d'entreprises, pour la plupart cycliques (industrie, Matériaux, automobiles, sociétés financières), préviennent que les attentes sont beaucoup trop élevées. Les raisons invoquées sont l'incertitude économique, la persistance de coûts plus élevés, l'évolution du comportement des consommateurs, les tensions géopolitiques mondiales, etc. Certaines entreprises ont par ailleurs indiqué qu'elles envisageaient de se restructurer, ce qui aura évidemment un impact sur l'emploi. Les ’méga-caps’ ne semblent pas y échapper non plus. Alphabet (Google) a par exemple déçu et Meta (Facebook) a prévenu d’une baisse des recettes publicitaires, entraînant dans leur sillage de fortes réactions négatives sur les marchés.
Autres faits marquants : les entreprises européennes semblent nettement plus négatives que leurs homologues américaines. L'économie européenne stagne cette année, ce qui se reflète aussi dans les résultats d’entreprises. Sur un peu plus de la moitié des chiffres publiés, les bénéfices d’exploitation ont diminué de près de 17% par rapport à l'année précédente. Ce sont surtout les secteurs de l'énergie et des Matériaux qui pèsent sur les chiffres, mais en Europe aussi, les entreprises industrielles et le secteur immobilier, par exemple, surprennent par la négative. L'impact redouté de la guerre entre la Russie et l'Ukraine et, partant, l'augmentation des prix de l'énergie et l'absence de la reprise espérée en Chine, pèsent clairement sur les entreprises européennes, qui sont traditionnellement plus cycliques et plus axées sur le marché international.
Conclusion
Bref, de quoi encore s’inquiéter. Partant, à l'exception du secteur traditionnel de l'énergie, les analystes revoient leurs prévisions de croissance à la baisse pour 2024, même aux États-Unis. Cela correspond à nos prévisions d'un net ralentissement de la croissance au cours des prochains trimestres et donc d'un environnement moins favorable pour les entreprises, qui verront leurs marges bénéficiaires sous pression. Nous maintenons donc une sous-pondération des actions par rapport à l'indice de référence, préférant les secteurs défensifs, qui seront sans doute mieux à même de maintenir la croissance de leurs chiffres d’affaires et de leurs bénéfices en cette période d'incertitude.